Marie Gouze, dite Marie-Olympe de Gouges était une femme de lettres française, devenue femme politique et polémiste. Elle est considérée comme une des pionnières du féminisme.

Auteure de la Déclaration des droits de la femme et de la citoyenne, elle a laissé de nombreux écrits en faveur des droits civils et politiques des femmes et de l’abolition de l’esclavage des Noirs.

Elle est devenue emblématique des mouvements pour la libération des femmes, pour l’humanisme en général, et l’importance du rôle qu’elle a joué dans l’histoire des idées a été considérablement estimé et pris en compte dans les milieux universitaires.

Déclaration des droits de la femme et de la citoyenne (1791)

Préambule

Les mères, les filles, les sœurs, représentantes de la nation, demandent d’être constituées en assemblée nationale. Considérant que l’ignorance, l’oubli ou le mépris des droits de la femme, sont les seules causes des malheurs publics et de la corruption des gouvernements, ont résolu d’exposer dans une déclaration solennelle, les droits naturels inaliénables et sacrés de la femme, afin que cette déclaration, constamment présente à tous les membres du corps social, leur rappelle sans cesse leurs devoirs, afin que les actes du pouvoir des femmes, et ceux du pouvoir des hommes pouvant être à chaque instant comparés avec le but de toute institution politique, en soient plus respectés, afin que les réclamations des citoyennes, fondées désormais sur des principes simples et incontestables, tournent toujours au maintien de la constitution, des bonnes mœurs, et au bonheur de tous. En conséquence, le sexe supérieur en beauté comme en courage, dans les souffrances maternelles, reconnaît et déclare, en présence et sous les auspices de l’Être suprême, les Droits suivants de la Femme et de la Citoyenne.

Article I

La Femme naît libre et demeure égale à l’homme en droits. Les distinctions sociales ne peuvent être fondées que sur l’utilité commune.

Article II

Le but de toute association politique est la conservation des droits naturels et imprescriptible de la Femme et de l’Homme : ces droits sont la liberté, la propriété, la sûreté, et surtout la résistance à l’oppression.

Article III

Le principe de toute souveraineté réside essentiellement dans la Nation, qui n’est que la réunion de la Femme et de l’Homme : nul corps, nul individu, ne peut exercer d’autorité qui n’en émane expressément.

Article IV

La liberté et la justice consistent à rendre tout ce qui appartient à autrui ; ainsi l’exercice des droits naturels de la femme n’a de bornes que la tyrannie perpétuelle que l’homme lui oppose ; ces bornes doivent être réformées par les lois de la nature et de la raison.

Article V

Les lois de la nature et de la raison défendent toutes actions nuisibles à la société : tout ce qui n’est pas défendu pas ces lois, sages et divines, ne peut être empêché, et nul ne peut être contraint à faire ce qu’elles n’ordonnent pas.

Article VI

La Loi doit être l’expression de la volonté générale ; toutes les Citoyennes et Citoyens doivent concourir personnellement ou par leurs représentants, à sa formation ; elle doit être la même pour tous : toutes les Citoyennes et tous les Citoyens, étant égaux à ses yeux, doivent être également admissibles à toutes dignités, places et emplois publics, selon leurs capacités, et sans autres distinctions que celles de leurs vertus et de leurs talents.

Article VII

Nulle femme n’est exceptée ; elle est accusée, arrêtée, et détenue dans les cas déterminés par la Loi. Les femmes obéissent comme les hommes à cette Loi rigoureuse.

Article VIII

La Loi ne doit établir que des peines strictement évidentes et nécessaires, et nul ne peut être puni qu’en vertu d’une Loi établie et promulguée antérieurement au délit et légalement appliquée aux femmes.

Article IX

Toute femme étant déclarée coupable ; toute rigueur est exercée par la Loi.

Article X

Nul ne doit être inquiété pour ses opinions mêmes fondamentales, la femme a le droit de monter sur l’échafaud ; elle doit avoir également celui de monter à la Tribune ; pourvu que ses manifestations ne troublent pas l’ordre public établi par la Loi.

Article XI

La libre communication des pensées et des opinions est un des droits les plus précieux de la femme, puisque cette liberté assure la légitimité des pères envers les enfants. Toute Citoyenne peut donc dire librement, je suis mère d’un enfant qui vous appartient, sans qu’un préjugé barbare la force à dissimuler la vérité ; sauf à répondre de l’abus de cette liberté dans les cas déterminés par la Loi.

Article XII

La garantie des droits de la femme et de la Citoyenne nécessite une utilité majeure ; cette garantie doit être instituée pour l’avantage de tous, et non pour l’utilité particulière de celles à qui elle est confiée.

Article XIII

Pour l’entretien de la force publique, et pour les dépenses d’administration, les contributions de la femme et de l’homme sont égales ; elle a part à toutes les corvées, à toutes les tâches pénibles ; elle doit donc avoir de même part à la distribution des places, des emplois, des charges, des dignités et de l’industrie.

Article XIV

Les Citoyennes et Citoyens ont le droit de constater par eux-mêmes ou par leurs représentants, la nécessité de la contribution publique. Les Citoyennes ne peuvent y adhérer que par l’admission d’un partage égal, non seulement dans la fortune, mais encore dans l’administration publique, et de déterminer la quotité, l’assiette, le recouvrement et la durée de l’impôts.

Article XV

La masse des femmes, coalisée pour la contribution à celle des hommes, a le droit de demander compte, à tout agent public, de son administration.

Article XVI

Toute société, dans laquelle la garantie des droits n’est pas assurée, ni la séparation des pouvoirs déterminée, n’a point de constitution ; la constitution est nulle, si la majorité des individus qui composent la Nation, n’a pas coopéré à sa rédaction.

Article XVII

Les propriétés sont à tous les sexes réunis ou séparés ; elles ont pour chacun un droit lorsque la nécessité publique, légalement constatée, l’exige évidemment, et sous la condition d’une juste et préalable indemnité.

Postambule

Femme, réveille-toi ; le tocsin de la raison se fait entendre dans tout l’univers ; reconnais tes droits. Le puissant empire de la nature n’est plus environné de préjugés, de fanatisme, de superstition et de mensonges. Le flambeau de la vérité a dissipé tous les nuages de la sottise et de l’usurpation. L’homme esclave a multiplié ses forces, a eu besoin de recourir aux tiennes pour briser ses fers. Devenu libre, il est devenu injuste envers sa compagne. O femmes ! Femmes, quand cesserez-vous d’être aveugles ? Quels sont les avantages que vous avez recueillis dans la révolution ? Un mépris plus marqué, un dédain plus signalé. Dans les siècles de corruption vous n’avez régné que sur la faiblesse des hommes. Votre empire est détruit ; que vous reste-t-il donc ? La conviction des injustices de l’homme. La réclamation de votre patrimoine, fondée sur les sages décrets de la nature ; qu’auriez-vous à redouter pour une si belle entreprise ? Le bon mot du Législateur des noces de Cana ? Craignez-vous que nos Législateurs français, correcteurs de cette morale, longtemps accrochée aux branches de la politique, mais qui n’est plus de saison, ne vous répètent : femmes, qu’y a-t-il de commun entre vous et nous ? Tout, auriez vous à répondre. S’ils s’obstinent, dans leur faiblesse, à mettre cette inconséquence en contradiction avec leurs principes ; opposez courageusement la force de la raison aux vaines prétentions de supériorité ; réunissez-vous sous les étendards de la philosophie ; déployez toute l’énergie de votre caractère, et vous verrez bientôt ces orgueilleux, non serviles adorateurs rampants à vos pieds, mais fiers de partager avec vous les trésors de l’Être Suprême. Quelles que soient les barrières que l’on vous oppose, il est en votre pouvoir de les affranchir ; vous n’avez qu’à le vouloir. Passons maintenant à l’effroyable tableau de ce que vous avez été dans la société ; et puisqu’il est question, en ce moment, d’une éducation nationale, voyons si nos sages Législateurs penseront sainement sur l’éducation des femmes.

Les femmes ont fait plus de mal que de bien. La contrainte et la dissimulation ont été leur partage. Ce que la force leur avait ravi, la ruse leur a rendu ; elles ont eu recours à toutes les ressources de leurs charmes, et le plus irréprochable ne leur résistait pas. Le poison, le fer, tout leur était soumis ; elles commandaient au crime comme à la vertu. Le gouvernement français, surtout, a dépendu, pendant des siècles, de l’administration nocturne des femmes ; le cabinet n’avait point de secret pour leur indiscrétion ; ambassade, commandement, ministère, présidence, pontificat, cardinalat ; enfin tout ce qui caractérise la sottise des hommes, profane et sacré, tout a été soumis à la cupidité et à l’ambition de ce sexe autrefois méprisable et respecté, et depuis la révolution, respectable et méprisé.