De son vrai nom Louis Andrieux, il est un poète, romancier et journaliste. Il est également connu pour son engagement et son soutien au Parti communiste français de 1930 jusqu’à sa mort. Avec André Breton, Paul Éluard, Philippe Soupault, il fut l’un des animateurs du dadaïsme parisien et du surréalisme. À partir de la fin des années 1950, nombre de ses poèmes ont été mis en musique et chantés (Jean Ferrat, Léo Ferré, etc.), contribuant à faire connaître son œuvre poétique. La première chanson tirée d’une œuvre d’Aragon date de 1953 : elle est composée et chantée par Georges Brassens et a pour paroles le poème paru dans La Diane française en 1944, « Il n’y a pas d’amour heureux ».

Il pleut sur l’Exposition coloniale

L’exposition coloniale
L’anneau dans le nez de la Religion catholique
Les hosties de la défense nationale
fétiches fétiches on te brûle si tu fais
la nique à des hommes couverts de sabres et de dorures
et l’outrage aux magistrats dans l’exercice de leurs fonctions
L’anneau dans le nez de la Troisième République
l’enfantement obligatoire
Il faut des soldats à la Patrie
L’Exposition coloniale

Palmes pâles matins sur les Îles Heureuses
palmes pâles paumes des femmes de couleur
palmes huiles qui calmiez les mers sur les pas d’une corvette
charmes des spoliations lointaines dans un décor édénique
De nouvelles Indes pour les insatiabilités d’Indre-et-Loire
De nouvelles Indes pour les perversités du Percepteur
et le Missionnaire cultive une Sion de cannes à sucre
tandis que le nègre Diagne élevé dans la perspective à la dignité ministérielle
administre admirablement massacrés et massacreurs
sous l’égide du coq tricolore Ô Venise
Othello la nuit n’est pas plus noire
aujourd’hui malgré les illuminations modernes

Les bourreaux chamarrés parlent du ciel inaugural
de la grandeur de la France et des troupeaux d’éléphants
des navires des pénitentiaires des pousse-pousse
du riz où chante l’eau des travailleurs au teint d’or
des avantages réservés aux engagés volontaires de l’infanterie de marine
du paysage idéal de la baie d’Along
de la loyauté de l’indigénat chandernagorique

Soleil soleil d’au-delà des mers tu angélises
la barbe excrémentielle des gouverneurs
Soleil de corail et d’ébène
Soleil des esclaves numérotés
Soleil de nudité soleil d’opium soleil de flagellation
Soleil du feu d’artifice en l’honneur de la prise de la Bastille
Au dessus de Cayenne un quatorze juillet

Il pleut il pleut à verse sur l’Exposition coloniale

Extrait de Mars à Vincennes, in Persécuté persécuteur, 1931

Louis_Aragon