Nicolas Caritat, marquis de Condorcet (1743-1794)

Condorcet se distingue rapidement par ses capacités intellectuelles. Les premières distinctions publiques qu’il reçoit sont en mathématiques. À l’âge de 16 ans, ses capacités d’analyse sont remarquées par d’Alembert (1717-1783) et Clairaut (1713-1765), et bientôt, il devient l’élève de d’Alembert.

Extraits du projet de constitution girondine, présenté à la Convention nationale les 15 et 16 février 1793

Déclaration des droits naturels, civils et politiques des hommes

Le but de toute réunion d’hommes en société étant le maintien de leurs droits naturels, civils et politiques, ces droits sont la base du Pacte social : leur reconnaissance et leur déclaration doivent précéder la Constitution qui en assure la garantie.

Article premier.

Les droits naturels, civils et politiques des Hommes, sont la Liberté, l’Égalité, la Sûreté, la Propriété, la Garantie sociale, et la Résistance à l’oppression.

Article 2.

La Liberté consiste à pouvoir faire tout ce qui n’est pas contraire aux droits d’autrui : ainsi, l’exercice des droits naturels de chaque homme n’a de bornes que celles qui assurent aux autres membres de la société la jouissance de ces mêmes droits.

Article 3.

La conservation de la Liberté dépend de la soumission à la Loi, qui est l’expression de la volonté générale. Tout ce qui n’est pas défendu par la Loi ne peut être empêché, et nul ne peut être contraint à faire ce qu’elle n’ordonne pas.

Article 4.

Tout homme est libre de manifester sa pensée et ses opinions.

Article 5.

La liberté de la Presse et tout autre moyen de publier ses pensées, ne peut être interdite, suspendue ni limitée.

Article 6.

Tout Citoyen est libre dans l’exercice de son Culte.

Article 7.

L’Égalité consiste en ce que chacun puisse jouir des mêmes droits.

Article 8.

La Loi doit être égale pour tous, soit qu’elle récompense ou qu’elle punisse, soit qu’elle protège ou qu’elle réprime.

Article 9.

Tous les Citoyens sont admissibles à toutes les places, emplois et fonctions publiques. Les Peuples libres ne connaissent d’autres motifs de préférence dans leurs choix que les talents et les vertus.

Article 10.

La sûreté consiste dans la protection accordée par la société à chaque Citoyen, pour la conservation de sa personne, de ses biens et de ses droits.

Article 11.

Nul ne doit être appelé en justice, accusé, arrêté ni détenu que dans les cas déterminés par la Loi, et selon les formes qu’elle a prescrites. Tout autre acte exercé contre un Citoyen, est arbitraire et nul.

Article 12.

Ceux qui solliciteraient, expédieraient, signeraient, exécuteraient ou feraient exécuter ces actes arbitraires, sont coupables et doivent être punis.

Article 13.

Les Citoyens contre qui l’on tenterait d’exécuter de pareils actes, on le droit de repousser la force par la force ; mais tout Citoyen appelé ou saisi par l’autorité de la Loi, et dans les formes prescrite par elle, doit obéir à l’instant : il se rend coupable par la résistance.

Article 14.

Tout Homme étant présumé innocent jusqu’à ce qu’il ait été déclaré coupable ; s’il est jugé indispensable de l’arrêter, toute rigueur qui ne serait pas nécessaire pour s’assurer de sa personne, doit être sévèrement réprimée par la Loi.

Article 15.

Nul ne doit être puni qu’en vertu d’une loi établie, promulguée antérieurement au délit, et légalement appliquée.

Article 16.

La loi qui punirait des délits commis avant qu’elle existât, serait un acte arbitraire : l’effet rétroactif donné à la Loi, est un crime.

Article 17.

La loi ne doit décerner que des peines strictement et évidemment nécessaires à la sûreté générale. Les peines doivent être proportionnées aux délits, et utiles à la société.

Article 18.

Le droit de propriété consiste en ce que tout homme est le maître de disposer à son gré de ses biens, de ses capitaux, de ses revenus et de son industrie.

Article 19.

Nul genre de travail, de commerce, de culture, ne peut lui être interdit ; il peut fabriquer, vendre et transporter toute espèce de production.

Article 20.

Tout homme peut engager ses services, son temps ; mais il ne peut se vendre lui même : sa personne n’est pas une propriété aliénable.

Article 21.

Nul ne peut être privé de la moindre portion de sa propriété sans son consentement, si ce n’est lorsque la nécessité publique, légalement constatée, l’exige évidemment, et sous la condition d’une juste et préalable indemnité.

Article 22.

Nulle contribution ne peut être établie si ce n’est pour l’utilité générale, et pour subvenir aux besoins publics. Tous les Citoyens ont le droit de concourir personnellement, ou par leurs Représentants, à l’établissement des contributions.

Article 23.

L’instruction élémentaire est le besoin de tous, et la société la doit également à tous ses membres.

Article 24.

Les secours publics sont une dette sacrée de la société ; et c’est à la Loi à en déterminer l’étendue et l’application.

Article 25.

La garantie sociale des droits repose sur la souveraineté nationale.

Article 26.

La Souveraineté est une, indivisible, imprescriptible et inaliénable.

Article 27.

Elle réside essentiellement dans le Peuple entier, et chaque Citoyen a un droit égal à concourir à son exercice.

Article 28.

Nulle réunion partielle de Citoyens, et nul individu ne peuvent s’attribuer la Souveraineté, exercer aucune autorité, et remplir aucune fonction sans une délégation formelle de la Loi.

Article 29.

La garantie sociale ne peut pas exister là ou les limites des fonctions publiques ne sont pas clairement déterminées par la Loi, et ou la responsabilité de tous les Fonctionnaires publics n’est pas assurée.

Article 30.

Tous les Citoyens sont tenus de concourir à cette garantie, et de donner force à la Loi lorsqu’ils sont appelés en son nom.

Article 31.

Les hommes réunis en société doivent avoir un moyen légal de résister à l’oppression.

Article 32.

Il y a oppression lorsqu’une Loi viole les droits naturels, civils et politiques qu’elle doit garantir.Il y a oppression lorsque la Loi est violée par les Fonctionnaires publics, dans son application à des faits individuels.

Il y a oppression lorsque des actes arbitraires violent les droits des citoyens contre l’expression de la Loi.

Dans tout gouvernement libre, le mode de résistance à ces différents actes d’oppression  doit être réglé par la Constitution.

Article 33.

Un Peuple a toujours le droit de revoir, de réformer et de changer sa Constitution. Un génération n’a pas le droit d’assujettir à ses Lois les générations futures ; et toute hérédité dans les fonctions est absurde et tyrannique.

Condorcet